Déficit en 2020 : fait ou fiction ? L’ICCO dément.

23 décembre 2014 | Catégorie : Filières

source: ICCO, WCC2 juin 2014

source: ICCO, WCC2 juin 2014

L’ICCO a publié un communiqué démentant les risques d’importantes pénuries de cacao dans les années à venir. Le risque d’un déficit structurel majeur entre la production et la demande de cacao a fait l’objet de nombreux articles. « Le marché pourrait être déficitaire de 1 million de tonnes en 2020 ». Cette prédiction a été souvent entendue. Qu’affirme au contraire l’ICCO dans son communiqué du 21/11/2014 ?

Le risque d’une pénurie a été un sujet souvent évoqué par les grands industriels du secteur (Mars par exemple), et ce depuis au moins 2012. Ce risque est maintenant devenu « à la mode » et a même fait l’objet d’un reportage du magazine télévisé Envoyé spécial sur la chaine française A2, le 18/12/2014. Avec un titre accrocheur : « Y aura-t-il du chocolat pour Noël ? » ! Les raisons avancées pour un possible déséquilibre majeur entre l’offre et la demande de cacao partent de constats indéniables.

Les raisons avancées pour un possible déséquilibre majeur entre l’offre et la demande de cacao partent de constats indéniables.

Cacao Gomme en bord de route - Sao Tomé

Cacao Gomme en bord de route – Sao Tomé

L’offre ? Des plantations vieillissantes avec des rendements stagnants et des propagations de maladies dans des zones de production très concentrées géographiquement (Côte d’Ivoire, Ghana, …). Une population de petits planteurs dont la moyenne d’âge dépasse 50 ans, les jeunes se détournant d’une culture qui n’assure pas une vie décente, loin de là.

La demande ? Une croissance régulière en Europe et Amérique du Nord mais surtout l’arrivée d’une lame de fond en Chine, en Inde et dans d’autres pays où une classe moyenne de plus en plus nombreuse se met à consommer. Et là on commence à sortir des faits objectifs et à se lancer dans des extrapolations. La consommation de chocolat n’est actuellement que de 1,2 kg en Chine et de 0,7 kg en Inde. Il est facile d’imaginer le boom de la demande dans les années à venir et de décrire par exemple l’appétit croissant des chinois pour les produits chocolatés. 340 millions de chinois (estimation de la classe moyenne chinoise en 2016) qui se mettent à apprécier et à acheter du chocolat (noir qui plus est), cela va bien entendu peser sur le marché.

Importation Chinoise. Source: WuxiHuadong_Cocoa_Food

Importation Chinoise. Source: WuxiHuadong_Cocoa_Food

Mais la pénurie est–elle le scénario le plus probable ?

Lors de sa présentation à la World Cocoa Conférence de juin dernier, l’économiste en chef de l’ICCO rappelait qu’il y a des :

  • « Connus connus » : la situation actuelle du marché, la concentration de ce marché, les parasites et maladies…
  • « Connus inconnus » : l’évolution de l’offre et de la demande, la croissance future de la consommation dans les pays émergents…
  • « Inconnus connus » : l’impact des initiatives actuelles sur l’offre, l’inventaire des plantations…
  • et bien sur des « inconnus inconnus ».

 

Il convient donc de relativiser toute affirmation péremptoire sur ce qui va se passer dans 5 ou 10 ans. Et peut-être faut-il aussi relativiser le communiqué de l’ICCO lui-même, que certains pourraient aussi juger par trop affirmatif. Ce communiqué peut être consulté directement sur le site de l’ICCO . Nous l’avons traduit ci-dessous.

Communiqué de l’ICCO au sujet de rapports sur un déficit de cacao en 2020.

Londres, 21 Novembre 2014
L’Organisation Internationale du Cacao (ICCO) a remarqué de nombreux articles de presse cette semaine alertant sur des déficits de l’offre de cacao dans les années à venir, qui pourrait atteindre le niveau d’un million de tonnes en 2020 et voudrait souligner que ses [propres] projections ne confirment en rien cette crainte, qu’elle estime exagérée à l’extrême.
L’ICCO souhaite rappeler les faits qui suivent, afin d’apporter autant que possible une appréciation éclairée de la situation actuelle et des perspectives d’avenir relatives à l’offre de cacao pour le marché de l’industrie chocolatière et des autres usages du cacao.
•   Au cours des 10 dernières années, le marché du cacao a connu 5 années de surplus de la production et 5 années de déficit. La dernière campagne cacaoyère (2013/2014), qui vient juste de s’achever en septembre 2014, a enregistré un excédent avec les deux pays leaders, la Côte d’Ivoire et le Ghana ayant eu des récoltes record.
•   Le prix des fèves de cacao a beaucoup varié au cours des années et se situe actuellement sous son niveau historique médian (1850-2014), en termes réels (ajustés de l’inflation).
•   La production de cacao réagit au changement de prix et par conséquent on ne saurait présumer qu’à moyen terme (en tenant compte du délai entre la plantation de nouveaux arbres et la récolte de fève) la demande continuera à croître et que l’offre restera stagnante ou déclinera. Le cacao, comme n’importe quelle matière première agricole, est une ressource renouvelable et donc, quand le prix du cacao augmente, les agriculteurs seront motivés à produire plus de fèves en augmentant leur utilisation d’intrants et en investissant dans de nouvelles plantations.
Selon les prévisions actuelles  de l’ICCO, il n’y a pas de raison immédiate d’inquiétude au sujet de l’offre de cacao pour les cinq prochaines années., Il y a eu une corrélation étroite au cours des années écoulées entre l’offre et la demande et bien que nous anticipons de probable déficits d’offre dans les années à venir, les stocks de fève devraient amortir cette évolution en attendant que la croissance de la production s’accélère.  Il n’y a pas de menace sur l’approvisionnement en cacao pour l’industrie du chocolat
Nombre de médias ont souligné nombre de problèmes – durabilité [“sustainability”], nuisibles et maladies et tout particulièrement la situation défavorisée dans laquelle se trouvent de nombreux agriculteurs – problèmes qui sont au cœur du travail mené par l’ICCO, ses pays membres et ses partenaires à travers le monde. Le processus actuel de l’ICCO, tel que défini dans l’Agenda Global du Cacao en cours, vise à résoudre ces graves problèmes. L’Organisation et ses partenaires ont récemment examiné son état d’avancement lors de la World Cocoa Conference à Amsterdam en juin dernier (un rapport de cette conférence et de nombreuses présentations sont disponibles ici [sur le site de l’ICCO]).
L’ICCO continue a faire des évaluations et des prévisions en se basant sur la situation effective dans les pays producteurs de cacao et sur la demande des pays consommateurs et rendra compte de tout changement significatif si et quand il se produira. Entre-temps, l’ICCO pense qu’il n’y a pas de raison de s’alarmer sur la disponibilite en chocolat pour le plaisir des consommateurs.

(traduction non officielle – Gabriel Metz, eCacaoS)

NB : L’Agenda Global du Cacao (2012) est disponible sur le site de l’ICCO (lien) ou téléchargable ici (6 Mo).

1 Commentaire

  1. Climat et marché incertain pour le cacao - […] Cinq ans de surplus, Cinq ans de déficit: le stock devrait pouvoir amortir les déficits des prochaines années, selon Laurent Pitipone, …

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