Academia de Cacao chez Ingemann, Nicaragua
16 septembre 2016 | Catégorie : Plantations, Post-récolte
Au départ, l’entreprise familiale d’origine danoise INGEMANN s’est installée au Nicaragua pour collecter et exporter du miel, avec un appui du fonds de coopération Danida. Cette activité continue toujours, avec succès. Mais en 2013, la société change de dimension en acquérant Xoco Nicaragua. Xoco œuvrait notamment pour repérer, sélectionner et propager des variétés de cacaos fins, d’anciens «Trinitario-Acriollados» : des trinitarios avec un fort patrimoine génétique de criollos. En traitant et exportant en volume du cacao fin, Xoco S.A encourageait ainsi les petits producteurs à relancer une filière de cacao d’excellence.
Ingemann Cacao Fino partage la même vision : «devenir la plus grande source directe et fiable de cacao fin du Nicaragua, en opérant selon les plus hauts niveaux mondiaux de qualité et avec une totale traçabilité et durabilité». Ces entrepreneurs bénéficient aussi de l’appui de projets de développement auxquels ils collaborent ou dont ils sont maîtres d’œuvre. Ainsi Ingemann reçoit le soutien du fonds PROADAPT (Nordic Development Fund et groupe Inter-American Development Bank) pour un projet «Building Climate Resilience in the fine Cocoa and Honey Sectors» : résilience climatique, un sujet stratégique dans un pays déjà confronté au réchauffement, au point que nombre de caféiculteurs en basse altitude se reconvertissent dans le cacao.
Mais revenons à l’Academia de Cacao…Organisée régulièrement, elle se déroule sur cinq jours pour donner un bon aperçu du cacao et de comment Ingemann travaille : quelques présentations théoriques, un tour des installations techniques sises près de Las Maderas, un voyage au centre du pays pour visiter des plantations et rencontrer des fermiers, pour terminer par une séance d’analyse sensorielle de liqueurs et la visite du laboratoire de contrôle qualité. Ce parcours permet de mieux comprendre les tenants et aboutissants de la politique de qualité et d’apprécier certaines spécificités d’Ingemann.
En premier lieu, Ingemann a sélectionné et nommé six génotypes de cacaoyers, trouvés dans d’anciennes plantations près de La Dalia, dans la région de Matagalpa. Une de ces variétés, le Nicalizo, a été retenue par le programme «Heirloom Cacao Preservation Fund», après analyse sensorielle et tests génétiques.Nous avons pu voir sur place les «arbres-mères» qui ont servis de matériel génétique pour les six variétés qu’Ingemann diffuse auprès des planteurs.
Ingemann dispose de sa propre pépinière pour multiplier par greffage les plants qui sont vendus aux producteurs partenaires. La société vend 400 000 plants par an et participe ainsi à la conservation et à la propagation de cacaoyers recherchés pour la qualité de leurs fèves.
Actuellement, Ingemann travaille avec environ 400 producteurs, essentiellement des petits planteurs (parfois moins de 1 ha de cacao). Chaque producteur s’engage à ne fournir à Ingemann que des amandes (cacao frais) en provenance des plants sélectionnés. Ingemann fournit une assistance technique et des formations à la gestion.et s’engage à acheter le cacao frais, bord champ, 25% plus cher que le prix coté à New York (en équivalent cacao sec). Les contrats peuvent être de …30 ans ! Cette très longue durée contractuelle offre au producteur une garantie de débouché absolument unique à notre connaissance.
Les cabosses sont récoltées au sécateur, peu avant le passage hebdomadaire du collecteur d’Ingemann. Chaque variété est mise en tas séparé. L’écabossage se fait par frappe sur une lame de bois. Au passage du pick-up ou camion de collecte, le cacao frais sera pesé et vérifié : Ingemann mesure non seulement le taux de sucre, mais également la température et le pH afin de s’assurer de la fraicheur de la livraison. Le cacao frais sera alors directement déposé dans des caisses de fermentation mobiles. Contrôler le processus de fermentation dès le ramassage en ferme est en effet un des facteur-clés de qualité pour Ingemann. Ce système de suivi de bout en bout ne va pas sans défis tant logistiques (état des pistes, distance des fermes) qu’économiques. En basse saison il n’est pas rentable de collecter quelques dizaines de kilos de-ci de-là, mais c’est le prix à payer pour respecter ses engagements contractuels avec les planteurs et les fidéliser.
Une fois acheminé au centre technique, le cacao sera fermenté dans des bacs en cascade, avec mesures régulières de température et de pH (pH tant d’échantillons de la pulpe que des cotylédons eux-mêmes). Puis les fèves seront séchées soit sur table en bois soit maintenant sur des aires en tôle galvanisée, avec contrôle journalier du taux d’humidité dès le quatrième jour.
Un laboratoire d’analyse permet de contrôler la qualité de chaque lot : le grainage et un classique test à la coupe bien sûr, mais aussi 4 torréfactions à même température mais de 4 durées différentes, puis une torréfaction à durée choisie d’un échantillon qui sera transformé en liqueur pour analyse sensorielle par un panel de testeurs. Les fèves seront ensuite triées, ensachées et emmagasinées avant exportation, avec un système de traçabilité interne «Cocoa-Id», «from tree to bean».
Ingemann bâtit sa réputation sur son éthique sociale et environnementale, sur ses choix variétaux et sur la maîtrise des protocoles de traitement post-récolte. Et pour bien convaincre les participants de l’académie de cette maîtrise, une séance d’analyse sensorielle est organisée: 5 échantillons de liqueur d’une même variété, le Chuno, traitée selon des protocoles de fermentation et de séchage différent. Le résultat est absolument édifiant.
Les fèves sont exportées aux États-Unis (Tomric Systems, Pitch Dark…) et en Europe (Friis-Holm, Chocolaterie A. Morin, Chocolate Naive, Chapon, Doble & Bignall, Rózsavölgyi…). Ingemann est devenu une référence sur le marché des cacaos d’origine.
Nous remercions vivement Ingemann Cacao Fino de nous avoir permis de suivre l’Academia de Cacao en août 2016. Cette semaine nous a renforcé dans notre conviction de l’importance de centres de collecte et de traitement performants, en partenariat à long terme avec des petits producteurs. Ce fut aussi l’occasion pour nous de découvrir enfin le Nicaragua, pays que nous trouvons très attachant.
Gabriel Metz
DERVENTIAN Oanès
22 juin 2017
Très intéressant ! Félicitations pour votre oeuvre !
Est-il possible de bénéficier d’une visite guidée (en français) ?
Je serai au Nicaragua entre du 15 au 30 août 2017
Gabriel Metz
22 juin 2017
Bonjour,
Merci pour votre commentaire.
Pour une visite, il faudrait demander directement à la société Ingemann (info@ingemann.com.ni), en précisant votre demande. Vous pouvez leur écrire en anglais, en espagnol ou en…français. La responsable commerciale et marketing est française.
Bon séjour au Nicaragua.
Gabriel Metz