Puratos Grand-Place : l’engagement à long terme
27 janvier 2016 | Catégorie : Filières, Post-récolte
Puratos et Grand-Place sont deux groupes d’origine belge qui se sont associés fin 2012 (à respectivement 70% et 30%). Puratos a été fondé en 1919, emploie plus de 7 000 personnes dans 63 pays avec 3 segments de produits «B to B» pour la boulangerie, la pâtisserie et bien sûr la chocolaterie avec sa marque phare Belcolade. Grand-Place Holding fut fondé en 1985 à Bruxelles, s’est établie au Vietnam depuis 1993, y a implanté une première usine en 2001, a intensifié ses programmes de coopération avec les planteurs en 2008, ouvert sa nouvelle usine à Binh Duong en 2009. Les investissements récents de Puratos Grand-Place s’inscrivent donc dans un historique d’implantation à long terme.
Au cours de notre séjour au Vietnam en janvier 2015 nous avons visité le centre de collecte et de fermentation de Puratos Grand-Place et pris connaissance des activités de soutien aux planteurs mises en œuvre en partenariat avec Mars (ainsi qu’avec la coopération suisse Helvetas et les fournisseurs d’intrants Yara et Hoptri et quelques subventions de Bio Invest).
L’usine de collecte à Ben Tre est au cœur d’un investissement qui devrait atteindre 10 millions de dollars pour Puratos Grand-Place. Inaugurée en novembre 2013, elle offre à Puratos et aux planteurs un potentiel de transformation à même de structurer la filière. Le centre de collecte est approvisionné par une cinquantaine de collecteurs apportant de la pulpe («wet beans»). Ces collecteurs achètent les cabosses auprès des planteurs de la province, les petits ne livrant souvent que des lots de 200 kg, les gros apportant jusqu’à 1 tonne par chargement. Des planteurs peuvent également livrer directement leur production. Parfois, ce sont des cabosses qui sont livrées, mais cela devient marginal.
La pulpe est mise à drainer pendant 4 à 5 heures avant d’être mises dans des bacs de fermentation d’une capacité unitaire de 400 kg de pulpe. La durée de fermentation est de 5 jours. Les brassages sont mécanisés: les bacs sont transbordés avec un monte-charge et le système permet un brassage complet en minimisant le travail physique. Ce qui nous a d’ailleurs particulièrement intéressés tout le long de notre visite, c’est de voir l’ingéniosité vietnamienne des équipements conçus localement, avec plein de petits détails pratiques.
Les fèves sont ensuite séchées pendant 8 à 10 jours. La superficie du séchoir est impressionnante : 25 plateformes de 75 x 3 m.
En 2014, le centre a produit 700 tonnes (environ). Puratos achète également des fèves auprès de planteurs, dans les autres provinces productrices. Environ 30 % de la production est vendue en fèves, le reste est expédié en Malaisie pour broyage. Puratos alimente tant son usine à Binh Dong près de Ho Chi Minh Ville que Belcolade qui transforme ce cacao en pistoles (Vietnam 73 et Vietnam Lait 45).
Le principal challenge de Puratos Grand-Place est d’arriver à augmenter la production, et donc l’approvisionnement. C’est une condition absolue pour que le centre devienne rentable. Il devrait pouvoir traiter 1400 tonnes en 2016. Mais les plantations de cacao ont été délaissées ces dernières années (voir notre article précédent). Aussi Puratos Grand-Place va-t-il commencer à importer du cacao des Philippines. Un autre challenge sera la réalisation d’une ligne de broyage sur place, un projet qui devrait se concrétiser en 2017.
Puratos Grand-Place investit donc pour développer et intégrer sa production. Corrélativement, la société poursuit un autre axe stratégique, celui de la durabilité. Puratos a développé son propre programme de «cacao durable», Cacao –Trace, mis également en place en Côte d’Ivoire: assistance technique pour améliorer les rendements et la qualité, formation de planteurs, mise en place de parcelles pilotes et bien sûr traçabilité de la production…Au Vietnam le programme intervient auprès de 1500 planteurs (dont 1000 dans le delta du Mékong).
Un Cocoa Development Center (CDC) est adossé au centre de traitement de Ben Tre. Mais à l’heure actuelle Puratos n’emploie que 3 personnes à temps plein pour animer le CDC. Autre initiative pilote qui devrait être étendu en 2016 : le «Chocolate Bonus». Outre le prix de base et une prime qualité, les producteurs reçoivent une rémunération supplémentaire. Ce supplément est la répartition d’un surprix que des consommateurs japonais acceptent de payer ($0,12 cents par 100 g de chocolat). Il s’agit en quelque sorte d’une «taxe à la valeur ajoutée pour encourager les planteurs partenaires. Faire accepter au consommateur final de payer plus pour un cacao durable, en faire un argument marketing pour les distributeurs et assurer la traçabilité nécessaire pour assurer une véritable redistribution, voilà cà notre avis un projet qu’il sera très intéressant de suivre, notamment parce qu’il est pris directement en charge par une société chocolatière sans passer par le dédale habituel des programmes de certification.
Nous avons pu visiter deux fermes modèles près du centre. Leur but: prouver qu’avec de bonnes pratique agricoles on peut passer d’un rendement de 0,5-1 kg de fèves / arbre à 2,5 kg.
Nous nous sommes également rendus dans la province de Dong Lai pour visiter un planteur et collecteur qui vend toutes sa production à Puratos Grand-Place depuis 6 ans. 10 personnes travaillent au centre de fermentation. Mr Nguyen Loc a une expérience de 14 ans dans la cacaoculture et a planté 5 nouveaux hectares il y a 3 ans. Il y emploie 1 ouvrier agricole par hectare (c’est beaucoup) et collabore avec un programme de recherche pour évaluer de nouveaux clones. L’entreprise est prospère et l’optimisme affirmé: selon Mr Loc, le cacao a un bel avenir si les plantations sont bien gérées.
Pour effectuer toutes ces visites, nous avons bénéficié de l’appui chaleureux de Vincent Duong, commercial grand-compte Puratos Grand-Place, et de Truc Ho Thi Thanh, en charge du programme Cocoa Development Center. Nous avons beaucoup apprécié leur enthousiasme à promouvoir la qualité du cacao vietnamien et à démontrer l’implication de Puratos «Gardener of Chocolate» pour développer la filière avec des critères de durabilité et de qualité.
Gabriel Metz